D’abord pour reprendre mon propos antérieur:
» Je ne vais pas commencer à dire tout ce dont je me rappelle car j’aurais l’air d’avoir oublié le reste. »
Ainsi s’exprimait Jacques Derrida qui avait côtoyé Nathalie Sarraute alors qu’il était assistant à l’université de Paris (1960-1964). Continuité dans la pensée mais aussi sage précaution qui me convie moi-même à une forme de réserve.
J’ai invité celui que je considère comme mon maître universitaire – et depuis cette époque ami qui m’est resté très cher-, Georges Maurand ex-professeur titulaire de la chaire de sémio-linguistique à l’Université du Mirail ( devenue depuis Université Jean Jaurès), à venir visiter les musées de Rodez. Il connaissait déjà et aimait particulièrement le musée Fenaille dont les statues-menhirs furent source des premiers chocs émotionnels de Pierre Soulages. Nous y avons consacré la fin de matinée, guidés par les commentaires compétents et scientifiques d’Aurélien. Pas le temps malheureusement de nous rendre à Denys-Puech.
A 14h30, visite du musée Soulages avec un groupe de Montpellier connaissant bien les outrenoirs du musée Fabre et enchanté de leur présentation enrichie des exposés très littéraires et très pédagogiques de Benoît.
Georges ne connaissait pas vraiment Soulages et était plutôt sceptique en entrant. Or, dès son premier contact avec les polyptyques renvoyant les diverses nuances colorées,c ‘est le choc émotionnel qui a prévalu et s’est perpétué tout au long de la visite. Lui-même, et sa fille Christine qui l’accompagnait, ont quitté Rodez sur l’impression d’une découverte, d’un réel enrichissement personnel. Ils sont partis confortés dans l’idée que c’est bien dans les yeux du spectateur que s’opère la magie de la confrontation entre le noir, la lumière et toutes les nuances intermédiaires.
Le musée Soulages et les musées de Rodez connaissent une fréquentation que nombre d’élu(e)s, lorsque nous nous sommes prononcés pour la réalisation du musée sur proposition de Marc Censi, se refusaient à envisager. Je suis heureux d’avoir, dès le début, participé à ce choix qui est pour Rodez et notre département synonyme d’une reconnaissance qui bat en brèche l’ironie de l’expression journalistique « ville située au milieu de nulle part ». Et si, comme le dit un élu et non des moindres, « un match à Paul Lignon attire plus de monde en un dimanche que le musée Puech en un an », cela dénote une confusion des genres qui conduit à marier la carpe et le lapin. J’aime et respecte le rugby. J’aime aussi l’art. Mais pour reprendre la métaphore, les deux ne jouent pas dans la même division. En matière de rayonnement artistique, Rodez est désormais en première division. Quant au rugby, je lui souhaite d’y accéder dans les années à venir.