Contrairement à Socrate qui disait de la poésie:
« C’est comme ces visages qui une fois dépouillés des artifices qui font leur fraîcheur apparaissent dans leur cruelle réalité »
estimant donc qu’elle travestissait la réalité et voulant la bannir de la Cité, Jean Ferrat Chantait:
« Le poète a toujours raison / Qui voit plus loin que l’horizon »
C’est pourquoi, si je fais généralement référence à eux, c’est parce que l’écrivain, le poète comme le philosophe, donnent mieux que quiconque une vision distanciée de la vie. Certes, ils le font parfois de façon plus ou moins abstraite, s’adressant à la raison, ou parfois plus émotionnelle, faisant appel à la sensibilité, afin de convaincre ou de persuader, mais c’est par la pertinence et le poids des mots que leurs idées prennent corps et se diffusent.
Ainsi, Gilles Deleuze donne à l’écrivain:
« la responsabilité de ce qu’il écrit devant ceux pour qui il écrit quand bien même ils ne le liraient jamais ».
Le plaisir d’écrire de l’écrivain n’est pas étranger à sa passion politique ou au rôle social qui lui incombe. Ceci devrait aussi être vrai pour le journaliste ce qui n’est, hélas, que trop peu souvent le cas.
C’est pourquoi, alors que bien des choses ont été dites, en écho aux attentats du 13 novembre, je propose de remettre en mémoire quelques écrits qui n’ont rien d’obsolète et participent encore largement du débat actuel avec tous ses excès qui ne sont pas propres à notre époque:
– Voltaire: « s’il fallait donner à de tels hommes un être surnaturel, il faudrait supposer que c’est un être malfaisant. » (L’ingénu)
–Chateaubriand: » Les révolutions se sont étendues sur la Grèce, la Syrie et l’Egypte. Un nouvel ordre va-t-il se former? Qu’en sortira-t-il? Recevrons-nous le châtiment mérité d’avoir appris l’art moderne des armes à des peuples dont l’état social est fondé sur la polygamie et l’esclavage? Avons-nous porté la civilisation au-dehors ou avons-nous amené la barbarie dans l’intérieur de la chrétienté? » ( Mémoires d’Outre-Tombe).
-Malraux: « Les fascistes croient toujours à la race de celui qui les commande. Ce n’est pas parce qu’ils sont racistes qu’ils sont fascistes mais parce qu’ils sont fascistes qu’ils sont racistes. » (L’Espoir)
-Camus: « le fascisme, c’est le mépris…Inversement toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare le fascisme. » (L’Homme Révolté)
Personne n’a guère inventé, pas même Mme Le Pen et surtout pas elle, quoi que ce soit dans les propos tenus. Le choc des civilisations est une absurdité notoire et il n’est pas inutile de rappeler que dans la nôtre, au colloque de Valladolid, on s’interrogeait sérieusement pour savoir si les indiens avaient une âme. Plutôt que choc, la confrontation des civilisations ne peut être qu’enrichissante même si chacune de ces civilisations a pu produire des monstres comme en Europe dans les années 30 à 45 et pas seulement en Allemagne, et comme actuellement au Proche-Orient.
Oui, les djihadistes sont des fascistes qui utilisent la religion comme cache-sexe. Ce ne sont pas les Musulmans. Ils se servent du Coran comme les Inquisiteurs brandissaient la Bible pour fanatiser les esprits faibles, fussent-ils instruits, et pour imposer leur diktat à la Planète.
Nous devons leur livrer un combat sans merci et ce combat n’est pas la guerre qui ne peut que provoquer l’enchaînement des violences. C’est cesser de leur livrer des armes et des capitaux par pays interposés. C’est cesser de leur ouvrir une voie royale en déstabilisant des régimes certes peu recommandables sans y apporter une solution politique. Nous avons notre part de responsabilités en Irak, en Syrie et en Libye mais aussi dans le Sahel surexploité en y favorisant les cultures industrielles au détriment des cultures vivrières et en y pillant les matières premières et minerais.
« Daech est né des cendres de nos interventions »,
écrit avec raison Carlos Moreira, secrétaire général des industries chimiques de la CGT.
Il ne faudrait pas qu’en France, à la suite du douloureux choc du 13 novembre, l’état d’urgence devienne la règle de gouvernance sinon DAECH aurait atteint un de ses objectifs. Combattre le terrorisme suppose inversement une mobilisation tout entière de la société autour de tous les champs qui font nos valeurs de liberté, de démocratie et d’accueil.
Quant à ceux qui nous rejoignent, fuyant l’obscurantisme et la barbarie mortifères qui règnent chez eux, accueillons les en leur disant comme Voltaire:
« La patrie est là où l’on vit heureux »