Les Grenouilles qui demandent un roi

Le désarroi face à la mal vie, au chômage, aux promesses non tenues, l’espoir brisé d’un avenir meilleur pour un trop grand nombre de personnes, la révolte face aux inégalités croissantes, ont fait que près de la moitié de l’électorat est restée à la maison lors de ce premier tour des élections régionales.

D’autres, parmi ceux qui se sont déplacés, ont parfois jusqu’à plus de 40% des suffrages exprimés, manifesté leur rejet en votant pour l’extrême-droite,  afin de donner « une leçon » au monde politique, »tout le monde se valant » à leurs yeux.

La leçon, ne sont-ils pas en train de se la donner à eux-mêmes? Ils ont accordé leur voix au parti qui relève la tête dans la tradition du Pétainisme, du Poujadisme et de l’O.A.S. Je n’invente rien. Son fondateur, M. Le Pen, ex député poujadiste, thuriféraire de l’Algérie Française, faisant des mots d’esprit sur les fours crématoires, a été plusieurs fois condamné par la justice de notre pays.

De plus, un peu de culture, ne serait-ce que scolaire, (transmise par cette école que le F.N. dénonce tant), aurait pu les amener à une réflexion plus posée que celle qui consiste à céder de façon impulsive aux sirènes revêtues de la flamme tricolore.

Je citais précédemment Jean Ferrat:
« Le poète a toujours raison / qui voit plus haut que l’horizon. »

Bien avant Ferrat, bien avant Aragon, de son XVII° siècle  Jean de la Fontaine nous interpelle par delà le temps et sa réflexion demeure on ne peut plus actuelle au vu des derniers résultats électoraux. Je ne peux résister au plaisir d’en livrer de larges extraits  à votre méditation:

"Les Grenouilles, se lassant
De l'état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique.
Il leur tomba du Ciel un Roi tout pacifique [...]
Or c'était un soliveau
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, [pour] le voir s'aventurant,
Osa bien quitter sa tanière [....]
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du Roi [...]
Donnez nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue.
Le monarque des Dieux leur envoie une Grue
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir,
Et Grenouilles de se plaindre.
Et Jupin de leur dire [........]
Vous auriez dû premièrement
Garder votre gouvernement;
Mais ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier Roi fût débonnaire et doux:
De celui-ci contentez-vous, 
De peur d'en rencontrer un pire."

Laissant à votre appréciation le décryptage de qui pourraient être le soliveau et la grue, mieux vaut la République avec ses imperfections que la soi-disant fermeté d’un parti, prêt si on veut bien se pencher sur son programme, à croquer les libertés, à supprimer les droits des femmes, à casser au profit du capital les syndicats et le code du travail déjà mis à mal, à jouer sur les peurs et les égoïsmes, à flatter le repliement sectaire de notre société sur elle-même, en appelant pourquoi pas, comme à Béziers, à la mise en place de « patrouilles citoyennes » prêtes à sillonner les rues, patrouilles proches des milices de sinistre mémoire, aussi inutiles que dangereuses. Pour référence, je vous renvoie au communiqué haineux de M. Remise photocopie de la photocopie, intitulé « Le retour des Hasbeen de l’Extrême Gauche » dans LA DEPECHE du jeudi 3 décembre. Un morceau d’anthologie!