Le comptable au Petit Prince: Je suis sérieux,moi, je n’ai pas le temps de rêvasser!

On a parfois envie de partager telle ou telle lecture, surtout quand elle trouve écho dans l’immédiate réalité. Dans une « lettre au Président de la République » en date du 13 février 2014, Jack Ralite, Catherine Tasca, Dominique Blanc et Michel Piccoli disent mieux que je ne saurais le faire les graves atteintes portées à la culture immolée sur l’autel du pseudo réalisme comptable:

..Nous sommes profondément attachés à la politique culturelle française que nous entendons voir se développer selon le principe d’invention de perpétuelle ouverture…Or nous constatons que cette démarche…connaît notamment par la politique budgétaire de notre pays, une situation s’aggravant de jour en jour…Le patrimoine dans sa diversité, le spectacle vivant dans son pluralisme sont en danger…Ce qui avait été construit patiemment se fissure, voire se casse et risque même de disparaître…
Faute de crédits suffisants, de personnels, de négociations,de considération et de reconnaissance du travail humain, de respect des métiers, se répandent des malaises, des souffrances, des colères. Le ministère de la culture perd son pouvoir d’illuminer…Les collectivités territoriales dont le rôle est devenu immense en culture voient leurs finances brutalisées (et se plient bien souvent volontiers à l’injonction)….
On nous répond « c’est la crise ». La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend plus indispensable…. C’est le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme.
Mais la politique actuelle est marquée par l’idée de donner au capital humain un traitement économique…. Ne tolérons plus que l’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit.

Ces extraits de lettre sont puisés dans le livre La Pensée, La Poésie et le Politique de Karelle MENINE, dialogue avec Jack RALITE, [Les solidaires Intempestifs, juin 2015]. Un livre très riche par ailleurs sur le théâtre, la danse, la musique et la littérature dont je recommande chaleureusement un usage sans modération à tous les amateurs de lectures vivifiantes.

Montesquieu: « L’Esprit Des Lois »

Les mots portent et donnent du sens.

Commémorer, c’est certes se remémorer collectivement, se souvenir de ceux qui ont payé de leur vie ou paient de graves traumatismes la folie meurtrière de fanatiques. Cela entre dans le devoir de mémoire comme entre dans ce devoir, avec recul, l’analyse de l’événement lui-même afin de mieux le comprendre et se prémunir contre son retour.

Je crains hélas, que faute précisément de cette réflexion collective ou pour des raisons moins avouables, ne soit entretenu un climat de suspicion en direction d’une partie de la population et une psychose auprès d’une autre. je m’appuie pour dire cela sur les propos que j’entends autour de moi et qui sont portés par des personnes de bonne foi mais aussi par des partis français, européens ou même américains, qui le sont moins et jouent sur des peurs légitimes – non raisonnées comme la plupart des peurs- afin de développer un climat délétère à leur profit.

De plus, certains de nos gouvernants, pour donner le sentiment qu’ils agissent, ouvrent la voie à cet état de fait en classant les Français en deux catégories et en proposant la déchéance de nationalité pour des binationaux impliqués dans le terrorisme.

Or,quel impact cette déchéance pourrait-elle bien avoir sur les « fous de Dieu » qui ont décidé de se faire sauter dans un lieu public fréquenté par la foule? Quant aux autres qui les manipulent, les reconduire dans leur supposé pays d’origine ne servirait à rien. Il en adviendrait comme pour l’amant de Musset: « quand on le chasse par la porte, il revient par la fenêtre ».

L’hyper terrorisme actuel constitue un test pour nos démocraties. Pour autant qu’il y ait nécessité de se défendre, y compris en instaurant pour un temps donné un état d’exception, on ne saurait transgresser le préambule de la constitution qui énonce dans son article premier: « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » en institutionnalisant une citoyenneté à deux vitesses. En effet, c’est précisément nos principes démocratiques que les attentats visent. Or, on ne peut ignorer non plus l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de 1948: » Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Si ces derniers ne le font pas,  « le légitime souci de sécurité, d’une part, ne colmatera pas les fissures béantes par un simple renforcement des pouvoirs de police et ne peut être disjoint du souci de rétablir les bases de la justice sociale et de la volonté de défendre nos valeurs les plus hautes » [M. Terestchenko, maître de conférences à l’université de Reims in l’Huma du 11/01/16].

 On ne peut davantage  bafouer les articles 12 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789: « La garantie des droits nécessite une force publique »…. « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ».

Quels que soient ses mérites dans cette période où elle aussi paie un lourd tribut, on ne peut laisser la force publique seule juger de ce qu’il convient de faire et mépriser l’article 16 de la Déclaration qui acte fondamentalement la séparation des pouvoirs  entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, garantie suprême des droits des humains, principe posé par Montesquieu  dans l’Esprit des Lois (1748)  et repris par les Déclarations des Droits de 1789 et 1948.

Faire abstraction de cela serait, à mon sens un grave recul démocratique et conforterait ceux qui ont pour objectif de déstabiliser notre régime afin d’imposer leur dictature théocratique.

C’est la Révolution Française qui, en 1790, lors de la Fête de la Fédération au Champ de Mars, avait pour la première fois rapproché les 3 mots de notre devise LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. Bien que cela soit un peu redondant, ajoutons-y le mot LAICITE.

2016

Bonne et Heureuse Année 2016

 
        Musée Soulages:rétrospective Jesús Rafael SOTO 
                   [pénétrable BBL Bleu 1999]image-Soto-pénétrable-c-archives-Soto-300x187

 L’Œuvre n’existe que par le mouvement du spectateur: « Elle se met à vibrer quand il commence à se déplacer » (Isabel SOTO, fille de l’artiste).

En 2016, bien sûr, il y aura encore les impondérables, les tensions accrues de toutes sortes, les immenses difficultés autour de l’emploi, les salaires trop bas, les difficiles fins de mois et le cortège des misères, mais soyons en assurés, cette nouvelle année sera d’abord le fruit de nos engagements les plus déterminés afin de la rendre meilleure que 2015. Bougeons nous, ainsi que nous y invite le Maître, afin de déplacer les lignes actuelles qui n’ont rien d’immuable.