Ex-élu local, j’observe toujours, non sans délectation, la vie électorale d’un œil parfois critique mais généralement respectueux car je mesure combien cela demande d’investissement personnel à ceux qui sollicitent les suffrages. Contrairement à certaines assertions proférées par des personnes mal intentionnées, s’investir électoralement témoigne d’un acte civique parfois lourd à assumer et souvent désintéressé. Toutefois, lorsque l’enjeu est national, les choses se complexifient et c’est avec une pointe d’agacement que je suis du regard nos actuelles «primaires» à l’américaine qu’elles soient d’un bord ou de l’autre.
En effet, tels des poissons dans leur aquarium se contorsionnant afin de capter l’attention du passant pris au piège du spectacle, les pseudo-candidat-e-s à la candidature font feu de tout bois derrière le petit écran pour s’attirer les suffrages et se livrent sans hésiter au jeu des reniements d’un passé souvent chargé à défaut de promettre un avenir radieux. Ils (elles) tentent de s’affubler pour cela d’habits neufs, voire essaient de faire carrément peau neuve, mue difficilement crédible, exercice délicat n’ayant rien d’innovant.
La littérature vole à notre secours pour nous conforter dans cette observation. Il suffit de se référer aux «classiques» car somme toute notre époque, en ce domaine, n’a rien inventé. Si pour Nicolas (Boileau naturellement pas l’autre) dans son Art Poétique le fond c’est la forme:
«Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément»
tout devrait être clair. Mais sans désavouer Nicolas, Victor (Hugo) est plus explicite dans les Proses philosophiques:
«La forme, c’est le fond rendu visible»
Analyse pertinente car elle suppose que ne remonte pas dans la forme tout le fond dont une partie, devinez laquelle, se perd dans les limbes d’une mémoire défaillante. Citation particulièrement judicieuse lorsqu’on observe les candidats lors de leurs diverses prestations. Sans citer nommément certains, dans les déclarations et démentis sur la Sécu ou sur le 49-3 par exemple chaque électeur reconnaîtra les siens (selon la formule de Simon de Montfort). Il est parfois cruel (à leur encontre) d’observer leurs attitudes, leurs réserves feintes, leur gestuelle qui contredisent leurs paroles ou disent beaucoup plus que ces dernières lesquelles, néanmoins chargées de sens, sont souvent contradictoires avec tout ce que les candidats ont réalisé ou affirmé antérieurement lorsqu’ils étaient au pouvoir. Tout un art que les Jésuites désignaient par le terme bien connu de casuistique.
Ainsi, à considérer que la forme pourrait bien échouer à masquer le non-dit, et que le dit lui-même masque souvent la réalité, ceci nous ramène à Victor à qui on prête de source non vérifiée la formule ci-dessous encore plus cruelle que la précédente:
«La forme, c’est le fond qui remonte à la surface»
Bon sujet d’examen à soumettre à nos candidats aux plus hautes fonctions mais peut-être sont-ils trop occupés pour cela. Quant à l’électeur constamment sollicité, exercice compliqué pour lui que de démêler le dire du dit et du non-dit, le vrai du non-vrai, l’affichage du masqué, en d’autres termes d’apercevoir derrière la vitrine l’arrière-boutique. Mais n’est-ce pas là le vrai exercice démocratique auquel il est convié à se livrer?
Joyeuses fêtes de fin d’année !!!