La Fontaine: « JUPITER EUT UN FILS .. »

 

Pré-ado, élève trop « dissipé » aux yeux de mes parents pour pouvoir supporter sans dommages collatéraux les trajets quotidiens de demi-pensionnaire vers le collège plus proche, et sous la persuasive influence d’un directeur excellent VRP qui recrutait « large » de Rodez à Albi, je me suis vu cloîtré, à 20 km de chez moi, conditionné dès la sixième, dans un collège public, dénommé à cette époque cours complémentaire, boîte à concours post BEPC. Education quelque peu spartiate qui certes m’a valu de passer toute ma vie dans l’enseignement. Dois-je m’en plaindre? A l’époque incontestablement oui.

Pour les pensionnaires de ce « petit séminaire » républicain, les sorties étaient rares. Nous rentrions chez nos parents pour les « petites » et « grandes » vacances uniquement, tous les mois et demi environ. Les loisirs l’étaient tout autant. Hormis déjà l’inévitable foot et les promenades en rang du dimanche après-midi, restaient lors des récréations la belote, les osselets,  la lecture de quelques  « illustrés » interdits intra-muros.

Afin de tromper l’ennui des interminables heures d’études surveillées,le principal recours consistait en l’emprunt des livres de la bibliothèque aujourd’hui dénommée CDI: entre autres ouvrages l’Iliade, l’Odyssée, la Légende des Siècles, œuvres pour lesquelles il m’arrivait par défaut  de me passionner, les exploits d’Ulysse ou d’Hercule valant bien les mangas.  Ainsi, la mythologie ne recelait plus que peu de secrets pour moi. Il y avait   bien sûr aussi Alain-Fournier, Henri Bosco, Colette, Dumas, Giono et un penchant avéré pour La Fontaine dont J’éprouve quelque plaisir à vous faire partager un extrait de la fable (XI,2))  ci-dessous:

« Jupiter eut un fils,qui, se sentant du lieu

Dont il tirait son origine,

Avait l’âme toute divine……

En lui l’amour et la raison

Devancèrent le temps……

Le fils de Jupiter devait par sa naissance

Avoir un autre esprit, et  d’autres dons des cieux,

Que les enfants des autres Dieux ….

[Jupiter] assembla les Dieux, et dit: J’ai su conduire

Seul et sans compagnon jusqu’ici l’Univers,

Mais il est des emplois divers

Qu’aux nouveaux Dieux je distribue.

Sur cet enfant chéri j’ai donc jeté la vue:

C’est mon sang; tout est plein déjà de ses Autels.

Afin de mériter le rang des immortels,                                       

Il faut qu’il sache tout. Le maître du Tonnerre

Eut à peine achevé, que chacun applaudit…. ».                          

Les Dieux n’ayant rien d’humain, on rapporte que lorsqu’on demandait à Phidias quels humains lui avaient servi de modèle pour réaliser son Zeus (alias Jupiter) d’Olympie, il se contentait de répondre par ce vers d’Homère:  » Le Cronide dont la tête fait signe en haut des sommets bleus ».

Ainsi, en Grèce, le pouvoir  jupitérien du haut de l’Olympe se trouvait dévolu au fils putatif (non ce n’est pas une insulte, consultez le Robert) dont  l’intronisation  avait

lieu au pied de l’Acropole, place symbolique où Périclès fut le stratège le plus « éclairé » d’une forme de  démocratie oligarchique fondée sur une ploutocratie vivant du travail des autres en particulier des Métèques. Société hiérarchisée qui reconnaissait aux dits « citoyens », une minorité des habitants, le droit de vote et à certains seulement le droit d’être élus, où « démos » le peuple n’avait pas voix au chapitre. Voilà ce qu’il en était de la fameuse « démocratie »  athénienne tant louée par nos « démocrates » actuels, forme de pouvoir certes avancé pour l’époque, pourvu toutefois d’un correctif intéressant à ne pas oublier qui s’appelait l’ostracisme bannissant le dirigeant fautif de tentation d’absolutisme.

Le retour sur la littérature, par delà la succession des époques, permet de révéler des concomitances qui pourraient prêter à sourire.  Il y a ceux qui font des déclarations,il y a ceux qui les croient et il y a ceux qui, avertis, grincent des dents face à l’ironie d’une histoire toujours renouvelée.

De plus, même si l’histoire bégaie parfois, dit-on, l’auteur de ces quelques lignes tient à préciser que bien évidemment quiconque verrait dans ces diverses considérations une possible corrélation avec des événements qui s’inscrivent dans le contexte actuel de notre cinquième république serait certainement de très mauvaise foi.

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