Jack RALITE: La pensée, la poésie et le politique
En parcourant la presse, ce lundi, j’ai appris que Raquel GARRIDO quitte la politique. Encore eût-il fallu qu’elle commençât à en faire vraiment au lieu d’assouvir au fil de ses déclarations ses rancoeurs en flèches venimeuses à l’encontre entre autres des Communistes. Je m’en consolerai donc. J’ai aussi appris que Karim BENZEMA, quels que soient ses mérites, stagne à la porte du XI tricolore. De cela, je m’en remettrai tout autant. C’est son affaire et celle du sélectionneur. Apparemment il y a beaucoup d’autres joueurs talentueux. j’ai lu encore que seul Antoine DUPONT avait su transpercer le mur ALL BLACK au cours d’une déculottée cinglante. J’aime le rugby mais Noir, c’est noir. J’ai enfin appris que Jean MIchel BLANQUER, ministre de l’éducation nationale, veut rétablir l’autorité à l’école. Certes, louable intention! Mais quelle autorité pour quel enseignement et surtout quelle éducation? Ainsi va la vie.
En revanche, hormis quelques lignes dans Libé et trois pages dans l’Huma, je n’ai guère vu, surtout à la télé, un seul entrefilet journalistique mentionnant le décès de JACK RALITE, ancien ministre pourtant respecté, ancien maire d’Aubervilliers, mais surtout exceptionnel homme de culture . Il est vrai qu’il était Communiste, dirigeant du Parti de surcroît, et qu’il a su, malgré les aléas que connaît le PCF, rester jusqu’au bout homme fidèle à ses convictions, ce qui se fait peu de nos jours et n’est certainement pas médiatiquement très porteur.
Ses convictions, voici ce qu’il nous en disait dans le dialogue ci-dessous avec Karelle MENINE*:
L’homme politique maire d’Aubervilliers: Pendant l’exercice de ma fonction de maire, j’ai essayé [testè], et il faut continuer, tous les micro-projets en dissonance de la ville. Il y a là la charge d’une société nouvelle. Nous devons, nous pouvons faire une société plus humaine, une société où les « rejetés » et les « maintenus » se retrouveront comme « individus de l’histoire du monde »…. Il ne faut pas une armée, non il faut des êtres qui résistent et qui inventent avec lucidité et enthousiasme, et ceux-là doivent savoir se retrousser les manches. « Savoir où l’on veut aller c’est bien,disait ZOLA, mais il faut encore montrer qu’on y va ». Il faut travailler, de lutte en lutte, comme une abeille butine de fleur en fleur, aller d’expérience en expérience.
L’homme de culture: Je suis d’accord avec VITEZ: ce contre quoi il faut se battre, c’est « la déviance qui scinde le public en deux, d’une part le public averti et d’autre part [l’autre qu’on privilégie pour] l’audience ». Le champ social a changé, il est d’un autre type politique, culturel: il nous faut désormais avancer dans un monde de plus en plus technologique, où tout est désincarné. Il nous faut donc plus que jamais restaurer le domaine du sensible….L’existence de perspectives élargies pour la confrontation entre les cultures est une nouvelle donnée et toute attitude recroquevillée, frileuse à cet égard, est vouée à l’échec.
L’ami des artistes: L’artiste,comme toute personne qui crée, a besoin de temps. Il a besoin du temps du brouillon, du temps de la pensée. Ce temps-là, la société ne le reconnaît plus à personne. Elle s’attaque au statut de l’artiste…. parce qu’elle ne croit plus à l’imaginaire, au rêve, elle vend seulement. Elle reste ainsi au seuil de l’existence proprement humaine. Les artistes sont le plus souvent rémunérés modestement. Ils ont des contrats au service: quelques heures, quelques jours, quelques mois. Ils doivent être rémunérés durant les périodes de « travail invisible », entre les contrats. Imaginez un chercheur qui ne soit payé que lorsqu’il trouve.
L’homme de l’audiovisuel: Le problème est que l’avenir a besoin de pensée et que le capital pense pour le court terme. Il veut des salariés qui savent mais ne pensent pas. Face à une liberté du marché qui trop souvent nous opprime, c’est l’obligation qui affranchit. Obligation nationale de production pour les entreprises publiques et privées de télévision et de radio, obligation d’affecter une part de leurs ressources aux oeuvres nouvelles, obligation de commander et de réaliser des créations contemporaines pour les établissements subventionnés. En même temps, car rien ne vit qu’au pluriel, [privilégier le] pluralisme dans l’espace et le temps, pluralisme qui ne vise pas au démembrement mais au décloisonnement où, comme le dit ce jeune chanteur de rock français: »soyons plusieurs en restant soi ».
L’Européen convaincu citant Paul MORAND: » Je ne conçois l’hexagone qu’inscrit dans la sphère » et dans cette sphère il y a l’Europe où « l’épreuve de l’étranger » et « l’apprentissage du propre » comme le disait HÖLDERLIN, méritent une mise en oeuvre d’une autre taille que tout ce que l’histoire a mis à jour jusqu’ici.
Voici, brièvement, quelques uns des propos et des combats de celui qui vient de nous quitter. Il demeure un phare, celui qui s’accordait avec Pierre Boulez pour conclure: qu’ « Il n’y a aucune fatalité dans l’histoire; l’histoire est ce qu’on y fait; l’histoire est une chose qu’on agit et non pas qu’on subit ».
*Editions Les Solidaires Intempestifs, juin 2015
