ANTONIN LE RUTHENOIS
Il était né le 4 septembre 1896 à Marseille d’un père, Antoine, armateur et d’une mère, cousine du père, Euphrasie Nalpas originaire de Smyrne. Il mourra cinquante deux ans plus tard, le 4 mars 1948, à Ivry, vraisemblablement victime d’un cancer de l’anus sinon d’une obstruction intestinale due à l’usage abusif du laudanum qui lui était devenu indispensable pour soulager ses douleurs, ce qui lui fit écrire :
« Bougre de vieil anus tonsuré,
et le rond de très basses fesses
et le cercle de ton âme en perse,
bougre de vieux tonneau percé … »
(Oeuvres Complètes. tome XXIV p. 366) cité par F. de Mèredieu in C’était Antonin Artaud.
Sa vie :
* au départ une consanguinité réelle et une syphilis héréditaire :
« C’est la syphilis qui a fait la vie et moi.» (O.C. cahierde Rodez XVIII p.71)
* un attachement à la grand-mère Neneka en souvenir de laquelle il signera nombre de ses lettres Nanaqui,
* un grave accident méningé à l’âge de 5 ans qui lui vaut déjà un traitement par électrodes précurseur des électrochocs subis à Rodez :
« J’ai vu des électricités autour de mon front » (O.C. XXIV -333)
* un important traumatisme à 9 ans lors du décès de sa petite sœur qui le conduira à se poser dès sa jeunesse la question de sa propre existence , question qui le poursuivra toute sa vie :
« Je ne suis pas né, je ne mourrai pas.
Qu’est-ce que mourir,
C’est se retirer de voir, d’entendre, de penser, de sentir, d’émaner, de désirer, de sous-penser, d’incompenser, d’assimiler, de digérer ». (O.C. XVI, 29)
Une histoire profondément marquée :
* par la maladie,des maux de tête insupportables et le refuge dans le laudanum,
* par une éducation chrétienne stricte. Ses prénoms en témoignent : Antonin et Paul prénoms des grands pères auxquels s’ajoutent Marie-Joseph symboles de la Sainte – Famille.
Ainsi,souffrance,religion et atavisme lui font écrire :
« La chair a toujours transcendé l’esprit » (O.C.XXIV p. 330)
On retrouve cela déjà dans « L’ombilic des Limbes » (1925) :
« Il faut en finir avec l’Esprit comme avec la littérature. Je dis que l’esprit et la vie communiquent à tous les degrés. Je voudrais faire un livre qui dérange les hommes, qui soit une porte ouverte et qui les mène où ils n’auraient jamais consenti à aller, une porte simplement abouchée à la réalité »
Et d’ajouter dans « Le Pèse-Nerfs » :
« Je n’ai transcris que la douleur d’un ajustement avorté…
Ce que vous avez pris pour mes œuvres n’était que le déchet de moi-même, ces raclures de l’âme que l’homme normal n’accueille pas ».
Artaud fou ? :
« Oui, voici maintenant le seul usage auquel puisse servir désormais le langage, un moyen de folie, d’élimination de la pensée, de rupture, le dédale des déraisons » (in Table)
« Artaud mène un combat contre contre toute forme de limitation de la pensée humaine, combat dans lequel chacun, n’observant que l’événementiel, n’a voulu voir que l’effet d’une forme de démence » [ Antonin Artaud par G. Charbonnier – Poètes d’aujourd’hui- chez Seghers] .
« C’est ainsi, résume Charbonnier, que la société a inventé la psychiatrie qui se réfère à un modèle social pour »guérir » le malade et le rendre supportable à lui-même et aux autres. » [ibid.]
Mais pour Antonin :
« Les asiles d’aliénés sont des réceptacles de magie noire conscients et prémédités. Qui a passé par l’électrochoc ne remonte plus jamais de ses ténèbres et sa vie a baissé d’un cran. Créer ainsi artificiellement la mort…c’est favoriser un reflux du néant…celui où il a fallu renoncer à être homme pour devenir un aliéné évident » (Artaud le Momo)
Auteur, dramaturge, essayiste, acteur, cinéaste, faisant presque figure de raté aux yeux de certains, admiré pour son immense talent par d’autres, il laisse une œuvre qui a traversé les frontières et notre époque. Son prestige est devenu international.
Ses trois ans de passage à Rodez:
N’ayant plus rien écrit depuis son retour du Mexique en 1937 sinon des lettres à ses proches, interné à Rodez de 1943 à 1946 sur recommandation entre autres de Robert Desnos afin de le protéger du nazisme, à l’asile d’aliénés rue Paraire où il a subi plus de 65 électrochocs, il s’est remis à écrire neuf des vingt- six volumes de ses œuvres complètes.
« Après 7 années de silence littéraire, c’est la première fois qu’il se remettait à la littérature sur les conseils de son ami le Docteur Ferdières », précise Mireille Larrouy, Présidente de l ‘association Artaud Rodez qui se réjouit de l’achat aux enchères par le Président du Conseil Départemental d’un portrait photographique et du manuscrit « Kabhar Enis- Kathaahr Esti » qui constitue la première œuvre ruthénoise.
A l’occasion de la commémoration organisée par l’Association Antonin Artaud pour le 70° anniversaire de la disparition du poète, ami de Denys-Paul Bouloc avec qui il arpentait les rues de Rodez en psalmodiant les célèbres glossolalies qui rythmaient sa marche, un colloque se tiendraen cette fin de semaine à Rodez, vendredi 2 à 18h à l’Hôtel de Ville pour une exposition, toute la journée de samedi 3 aux archives départementales pour nombreuses interventions et dimanche 4 de 10h30 à 12h à la Menuiserie pour des lectures croisées. L’Association vous attend afin de partager un moment privilégié de (re)découverte de celui qui conserve, sur la place, la banquette qu’il a souvent occupée et qui est encore réservée à son nom au Café Broussy.
(Voir programme du colloque sur Facebook : Association Rodez Antonin Artaud)
