Bernard NOEL : JERUSALEM

Bernard Noël  « Le Reste du Voyage »

D’origine aveyronnaise (né en 1930 à Ste Geneviève sur Argence), il est à la fois poète, écrivain, essayiste, critique d’art. Son oeuvre a été saluée entre autres par Louis Aragon, Yves Bonnefoy, Philippe Solers, Jacques Derrida.

Il fait partie des grands de la littérature du XX° siècle et du début du XXI°. Il a obtenu notamment le prix Artaud à Rodez en 1967, le prix Apollinaire en 1976, le grand prix de poésie en 1983, le prix de l’Académie Française en 2016.

Il a beaucoup voyagé sur tous les continents et fait part de ses réflexions et impressions dans un recueil intitulé: LE RESTE DU VOYAGE (ed. P.O.L. – décembre 1997)

Jean Ferrat chantait à propos de Louis Aragon:

         « Le poète a toujours raison          /       Qui voit plus haut que l’horizon ».

C’est on ne peut plus vrai de la vision de Jérusalem que nous livre en 1975 Bernard Noël,  vision prémonitoire qui anticipait l’heure où l’ambassade « étasunienne »  s’y installe à l’est  et où les forces répressives se déchaînent à la frontière de Gaza. La force évocatrice de la poésie vaut tous les discours.

JERUSALEM 

un gros soleil met du sang sur l’horizon
la ville au-dessous est barbouillée de craie
trop de quartiers neufs écrasent les collines
leur but est de chasser l’histoire du présent
mais la peau de la terre est dure et son cœur
bat d’autant plus fort qu’on veut l’écraser
dans la vieille ville on marche sur du temps
qui souffle au visage une âme naturelle
quelques drapeaux bleus font flotter leur insulte
dans l’air du quartier qu’il s’agit d’humilier
la vie n’en continue pas moins à bouillir
sur les pavés où passa l’homme à la croix
comment coloniser ce qui est de l’être
quand on n’a pour volonté que de l’avoir