C’est vieux de plus de deux siècles et on en sourit toujours. C’est cocasse, peut-être une galéjade comme les aiment les Marseillais. Ce n’est pas un poisson d’avril. Il serait un peu gros à avaler mais vous en avez tous entendu parler: une sardine avait bloqué le port de Marseille. Incroyable: il eût fallu que la sardine fût de taille considérable et le chenal d’accès au port bien étroit!
De fait, comme toute légende, le fait enjolivé reposant sur un support beaucoup moins poétique, il s’agissait, dans le dernier quart du XVIII° siècle, d’une frégate royale baptisée La Sartine, du nom du ministre de la marine de Louis XVI, qui s’était échouée, à l’issue d’une fausse manoeuvre, à l’entrée du port, bloquant ainsi la circulation maritime pendant plus d’une semaine.
Il n’en fallait pas plus pour saisir l’occasion de tourner en dérision la marine royale. La galéjade fit florès. Il suffisait pour cela de jouer sur le rapprochement paronymique entre Sartine et Sardine, une modeste sardine capable à elle seule de bloquer l’un des principaux ports méditerranéens.

Je ne sais qui, sinon peut-être Karl, disait que l’histoire ne se répète pas mais qu’il lui arrive par fois de bégayer…Or cette fois-ci ce n’est pas une galéjade provençale. Ce n’est pas non plus le Bateau Ivre d’Arthur enfin libéré de ses contraintes:
« Comme je descendais les Fleuves impassibles, / Je ne me sentis plus guidé par les haleurs …
J’ai vu fermenter les marais énormes, masses / Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan…
Mais, vrai. J’ai trop pleuré! Les aubes sont navrantes. / Toute lune est atroce, et tout soleil amer… »

Ainsi, durant près de quinze jours, un mastodonte libéré de ses contraintes humaines, affichant deux cent vingt mille tonnes, quatre cents mètres de long, cinquante neuf mètres de large, soixante mètres de haut, transportant vingt deux mille conteneurs lesquels mis bout à bout s’étireraient sur plus de cent km de route et polluant à lui seul en résidus de pétrole lourd l’équivalent de plusieurs millions d’automobiles diésel, s’est mis en travers bloquant le canal de Suez. Ferdinand de Lesseps ne pouvait prévoir qu’un tel tyran des mers nécessiterait un tel tirant d’eau.
Jusqu’où la bêtise humaine alliée à l’appât du gain ira-t-elle se nicher au nom d’un système économique suicidaire à la recherche de productions à bas coût basées sur l’exploitation d’une main-d’oeuvre bon marché et nécessitant pour les marchandises ainsi produites l’épuisement des ressources terrestres ainsi que des moyens de transport engendrant une pollution destructrice?
S’il y a des gens qui s’insurgent à juste titre contre ce mépris généralisé des humains et de notre planète, ce sont bien les ouvriers de la Robert Bosch d’Onet pour lesquels on casse brutalement, sans contrepartie ni activités de substitution l’outil de travail au nom de l’urgence climatique en vouant aux gémonies les petits moteurs diesel tandis que la compagnie EVERGREEN ( sic!) arme son monstre des mers pour importer des produits et que dans le même temps nos politiques se perdent en déclarations vertueuses quant à l’urgence du produire national et local tout en laissant naviguer un tel LEVIATHAN dont Hobbes disait qu’il est le danger absolu pouvant conduire à l’extermination de la terre, le cataclysme capable de modifier la planète. L’Enfer, pour ceux qui y croient est, paraît-il pavé de bonnes intentions.
👍👍👍merci pour tes chroniques toujours pertinentes
Amitiés
J’aimeJ’aime
Merci Marilou, je t’appellerai afin de bavarder un peu. le téléphone n’est pas encore confiné.
J’aimeJ’aime
Coucou Guy, quel plaisir de te lire… J’avais vu ton texte sur la toile et c’est en rentrant du travail que j’ai pris le temps de le lire. Et je t’en remercie, l’anachronisme de la bêtise humaine n’a pas de limite. De ce pas je vais pouvoir prendre connaissance de tes autres chroniques. Merci. La bises. François.
J’aimeJ’aime
Que deviens-tu?
J’aimeJ’aime