L’art plus fort que les bombes: ELUARD/ NERUDA/ PICASSO

Autour de nous l’univers s’est gelé

Notre maison s’est dégradée…

Un soir sans fin s’est imposé

De larmes salies

De sourires passés au feu

Des mains abandonnées

On a traqué les innocents

Comme des bêtes

On a cherché les yeux

Qui voyaient clair dans les ténèbres

Pour les crever

Et sur les ruines transparentes

Sur les chagrins cloués au cœur….

Voici les juges habituels…

Ils comptent les victimes

Une à une puis par millions

Les victimes ont peu de poids

Mais les profits sont réversibles 

Enfin voici des juges

Qui prolongent la vie

                       Paul Eluard « Au rendez-vous allemand » publié en 1946

Hier soir , en mars 2022, sur FR3 Occitanie, Vicente Pradal, fils d’exilés anti-franquistes, maestro du Flamenco et interprète de poèmes de Lorca, de Neruda, faisait le rapprochement entre l’horreur absolue de Guernica et celle actuelle de Marioupol :

Et un matin tout était en feu

et un matin les bûchers

sortaient de terre

dévorant les êtres vivants

Et dès lors ce fut le feu,

ce fut la poudre

et ce fut le sang.

Des bandits avec des avions…

tombaient du ciel pour tuer les enfants…

et à travers les rues le sang des enfants

coulait simplement, comme du sang d’enfants.

Chacals que le chacal repousserait,

vipères que les vipères détesteraient !..

Face à vous j’ai vu le sang

de l’Espagne se lever

pour vous noyer dans une seule vague

d’orgueil et de couteaux !

Pablo NERUDA «  Espagne au Cœur » 1936

Guernica repensé aux couleurs ukrainiennes.Quand un officier allemand lui demanda «c’est vous qui avez fait ça ?», Picasso répondit «non, c’est vous»

De 1936 à 2022 la soif du pouvoir n’a guère changé. Aucune leçon n’a été et n’est tirée des tragédies et des crimes qui sont reconduits épisodiquement de par le monde, pas seulement en Ukraine, et qui cependant ont conduit ou conduiront inexorablement à l’échec de ceux qui les initient mais au bout de combien de souffrances et de deuils qui auraient pu être évités. Les leçons de l’histoire sont là. Le feu, les massacres et le bâillon ne sauraient se substituer aux accords négociés que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux.