CONFLENS 16/10/2020

Pablo NERUDA – Espagne au coeur – Extraits (1936)

Ma maison était appelée
la maison des fleurs…..
C’était une belle maison
avec des chiens et des enfants…
Des bandits..
tombaient du ciel pour tuer…
et à travers les rues le sang…
coulait simplement, comme du sang d’enfants.

Chacals que le chacal repousserait,
pierres que le dur chardon mordrait en crachant,
vipères que les vipères détesteraient!…

Venez voir le sang dans les rues,
venez voir
le sang dans les rues,
venez voir le sang
dans les rues.


Bernard NOEL – La chute des temps – Extraits (1982)


L’art du bourreau
il travaille l’homme
et l’homme est ce reste
que l’art ne réduit pas
à sa question
encore
fait le bourreau
encore un
qui pensait tout seul
j’ai mis sa tête à gauche
la vie est comme moi
elle coupe court
et il dit
la vie n’a pas besoin
de visages reconnaissables
pas même besoin de moi


Paul ELUARD – Au rendez-vous allemand – Extraits – (1946)


Ces hommes comme nous
Qui en voulaient aux hommes
Ils voulaient verrouiller
Notre malheureux monde

Ils marchaient en arrière
Contre la foule immense
Contre le vieil espoir
Qui nous libérera
De la haine à jamais.

(Sans autre commentaire que l’expression des poètes)


confinement et littérature

Confinement et littérature

L’Académie Française, noble institution datant de Richelieu, toujours aussi progressiste et, paraît-il, se basant sur l’usage tout autant que sur l’étymologie, a choisi de marquer le (la) covid 19 du signe féminin. N’y voyons là bien sûr aucune tentative de diabolisation antiféministe et évitons d’y supposer une quelconque référence à celle qui, d’après la Bible, nous a privés des délices de l’Eden.

A contrario, tous les archéologues s’interrogent, quant à la statuaire vieille de plus de cinq mille ans y compris celle exposée à Rodez au musée Fenaille, sur l’idée que pour ces civilisations préhistoriques Dieu aurait pu être une femme, la mère nourricière et reproductrice de l’humanité. Un peu plus tard d’ailleurs, les Grecs , à la grande colère de Poséidon, avaient choisi Athéna comme protectrice d’Athènes, et ce n’est qu’ensuite que l’épopée des Hellènes l’a décrétée issue de la cuisse de Zeus ce qui consacrait l’homme dans un rôle dominant. Donc, pour en revenir aux présupposés archéologiques: « Et si Dieu était une femme? »

A cela Chelsea Cunninghan répond « Si Dieu est une femme, elle est romancière », roman (2017) dans lequel l’héroïne Zoé, nouvelle Shéhérazade, parle et Adam l’écoute. Elle raconte, elle charme. Au son de sa voix Adam voyage. Le rêve, le voyage, parcourir le monde, découvrir « le peuple qui nous manque » comme le disait Gilles Deleuze: est-ce la vocation du roman?

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Voilà bien des années que Je n’ai relu Le Rouge et le Noir de Stendhal mais j’en ai toujours gardé à l’esprit, et vous la soumet, cette citation : » Le roman, c’est un miroir que l’on promène le long du chemin » souvent reprise sous des formes diverses qui rappelle combien de tels récits peuvent être à la fois le reflet du monde et de l’humain mais aussi trouver une résonance profonde dans le lecteur lui-même.

Certes, poursuit par ailleurs Stendhal: « toute oeuvre d’art est un beau mensonge » rejoignant en cela Platon qui pensait que l’art n’est qu’un trompe-l’oeil, un effet cosmétique destiné à masquer une réalité moins séduisante, idée symbolisée par Magritte dans son célèbre tableau: « Ceci n’est pas une pipe ».

Cependant, lors de cette longue période de confinement, si j’en crois les statistiques, la lecture a connu un regain d’intérêt et s’est avérée un mode privilégié permettant à la fois de se retrouver soi-même et de rompre l’angoisse due à une solitude que la réouverture des médiathèques, accueillie comme une libération, participe a dissiper.

En effet, s’ajoute désormais au plaisir de la lecture , dans le cadre des salles communes, malgré la « distanciation dite sociale » encore imposée, le plaisir du rapprochement, d’une forme de connivence permettant l’échange de quelques mots ou d’un salut complice, le sentiment personnel d’appartenance à un cercle d’initiés, voire de privilégiés .

J’ai trouvé cette approche formulée de manière très sensible, au sens propre du terme, chez Rainer Maria RILKE, poète germanophone qui narre dans un passage des Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910 – édités au Seuil – Points- ) l’histoire d’un jeune Danois isolé se trouvant, à cette époque, à Paris, dans une salle de lecture de la Bibliothèque nationale. Je n’ai pu résister au désir de vous faire partager son sentiment en ce lieu:

« Je suis assis et je lis un poète. Il y a beaucoup de gens dans la salle, mais on ne les sent pas. Quelquefois ils bougent entre les feuillets, comme des hommes qui dorment, et se retournent entre deux rêves. Ah! qu’il fait bon être parmi des hommes qui lisent. Pourquoi ne sont-ils pas toujours ainsi? Vous pouvez aller à l’un et le frôler: il ne sentira rien. Vous pouvez heurter votre voisin en vous levant et si vous vous excusez, il fait un signe du côté d’où vient votre voix, son visage se tourne vers vous et ne vous voit pas et ses cheveux sont pareils aux cheveux d’un homme endormi. Que c’est bon…

Je suis assis et j’ai un poète. Quel destin! Ils sont peut-être trois cents dans cette salle qui lisent à présent; mais il est impossible que chacun d’entre eux ait un poète à lire. Il n’existe pas trois cents poètes. Mais voyez mon destin: Moi, peut-être le plus misérable de ces liseurs, moi, un étranger, j’ai un poète….et ils savent qu’au fond je suis des leurs ». (traduction Maurice Betz)

Reprenant en quelque sorte ces propos, Patrick Modiano préface ainsi les Cahiers:

« …Alors se crée un magnétisme qui défie le temps et la mort….Il [Rilke] nous entraîne dans son rêve d’une enfance passée au fond d’un château des bords de la Baltique…jusqu’au moment où nous nous apercevons qu’un tourment habite cet univers feutré et que le Cahiers de Malte sont le livre de la souffrance. Paris y joue un grand rôle et la découverte de cette ville a libéré chez Rilke, avec la brutalité d’une déchirure, le flots des souvenirs et des angoisses ».

La période de confinement dont nous apercevons peut-être la fin aura eu ceci de positif qu’elle nous aura permis d’interroger notre propre ego, de méditer sur le sens de l’existence et certainement d’aspirer à un monde futur dans lequel, oubliant la redoutable froideur technocratique, le roman et la poésie, en d’autres termes l’humain, trouveront à nouveau place.

Note : 1 sur 5.

Musée Soulages: le bleu

Excellente conférence de Julien Arquié, mercredi 26 mars, à la suite des expositions temporaires sur les « bleus » de Yves KLEIN (2019) et actuelle de Geneviève ASSE- propos portant sur le  » Bleu « , ses compositions, ses rapports aux autres couleurs et ses résonances auprès du public, cela sur la base du livre des couleurs de…

A propos des BREVES de REGIS DEBRAY

C’est le privilège de l’âge que de pouvoir évoquer, tel que je l’ai fait pour Paul Chemetov, des personnages qui ont marqué l’existence à des degrés divers. Aujourd’hui je souhaiterais évoquer la mémoire d’un de mes anciens profs de lettres devenu ami, habitant près de Druelle, chez qui j’allais parfois échanger quelques propos littéraires et…

Paul CHEMETOV

Je voudrais simplement rendre hommage à Paul Chemetov, grand architecte de dimension internationale connu entre autres pour ses réalisations: la Grande Galerie du Museum d’histoire natuelle, le Ministère des finances de Bercy, le siège du PCF place du Colonel Fabien en tant que collaborateur d’Oscar Niemeyer, la bibliothèque municipale de Montpellier, l’ambassade de France à…

De Masson à Artaud

Dans le Théâtre de la Cruauté, Antonin s’exprimait ainsi: « un théâtre qui réveille en nous nerfs et coeurs, où des images broient et hypnotisent la sensibilité du spectateur, jouant un rôle de catharsis, une fonction qui fournit des obsessions érotiques, de sauvagerie, de chimères, un sens utopique de la vie et des choses, de cannibalisme…

Gabriel Péri aussi !

Que Gabriel Péri, Journaliste à l’Humanité, précédemment député communiste d’Argenteuil dans les années 1930, fusillé le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, trois ans avant Missak Manouchian et les 22 autres FTP-MOI de l’Affiche Rouge, fusillés eux le 21 février 1944 toujours au Mont- Valérien , Guy Môquet (18 ans) fusillé le 21 octobre 1941 à…





ZONE : Adieu Soleil cou coupé

Conditionnement /Déconditionnement / Reconditionnement

A défaut de n’avoir pu, comme multitude de nos concitoyens armés de masques, de soluté hydroalcoolique et d’huile solaire, saisir l’opportunité d’une escapade, en ce long « pont » dit de      « l’ Ascension », vers les bords d’eaux ou à la montagne afin de me libérer d’un long temps d’enfermement, je me suis penché, saine occupation , vers la relecture d’ ALCOOLS (NRF 1913) de Guillaume APOLLINAIRE dont je prends plaisir à vous faire partager, si vous le souhaitez, quelques extraits du poème ZONE :

« A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
….
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Termes

Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant
Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église…
C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur
…..
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air
…..
Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles
D’ Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
Et d’Amérique vient le petit colibri
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s’engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
….
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
L ‘angoisse de l’amour te serre le gosier

Des troupeaux d’autobus rugissants près de toi roulent L’angoisse de l’amour te serre le gosier  …..

Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardé à Chartres…
Maintenant tu es au bord de la Méditerranée….
Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague…
Te voici à Marseille au milieu des pastèques..
Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant….
Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon…
Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide…
Tu es à Paris chez le juge d’instruction
Comme un criminel on te met en état d’arrestation
…….
Tu as fait de douloureux et joyeux voyages
Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge
Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans
J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps
……
Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux…

Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
la nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil et tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu
Soleil cou coupé »


Dialogue intérieur, versification très libre, absence de ponctuation (innovation inspirée par Cendrars), collages (un peu à la manière dont le fera plus tard Picasso pour les images de Guernica) de métaphores chevauchant monde antique / monde industriel, déconstruction (rappelant Rimbaud) des mythes mais aussi de la traditionnelle écriture poétique faite d’une métrique et de rimes académiques , ironie de la Tour Eiffel, la Dame de Paris, veillant sur ses troupeaux de ponts à la façon bucolique des bergers Virgile gardant leurs moutons, ironie de l’ascension d’un christ-aviateur à cette époque des débuts de l’aéropostale, recherche de lendemains différents de la veille, rêves envolés s‘achevant par un « soleil » guillotiné « cou coupé » sur l’autel des fausses espérances. De quoi méditer. Bonne fin de week-end.


Les habitudes / l’absurde / la résilience


De Achille à Jonas l’Artiste au travail

En ces temps de confinement, c’est-à-dire littéralement d’impossibilité de franchir les limites de notre environnement immédiat, les quatre murs de notre habitat, chacun est conduit à se poser des questions existentielles, passant tantôt du scepticisme à la colère, de la révolte à l’accusation puis à la remise en question de soi-même et de notre mode de vie, enfin à l’aspiration à définir d’autres modèles sociaux et sociétaux à mettre en œuvre sur l’idée : « après le crise, rien ne sera plus comme avant ».

« Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ?» l’interrogation formulée par Socrate est devenue truisme. Pourquoi cette référence à Socrate ? Chacun s’accorde à dire que notre civilisation occidentale puise ses origines d’une part dans l’Hellénisme avec L’Iliade et L’Odyssée et d’autre part dans l’Ancien Testament, ces deux piliers gréco-judéo-chrétiens qui, quelles que soient nos options philosophiques actuelles, portent des interrogations fondamentales sur nos comportements, particulièrement en temps de crises, et face aux transformations qui pourraient en émaner.

Ainsi en était-il de Achille dans l’Iliade. Achille,   artisan incontournable de la victoire des Achéens sur les Troyens, qui, contestant la suprématie d’ Agamemnon qui lui avait volé sa capture de combat, la jeune Briséis dont il avait fait sa compagne, remis en question dans son statut, blessé dans son orgueil et bafoué dans ses mérites, en proie à une sourde colère, quitta le combat laissant les Grecs au bord de la déroute. Il se retira solitaire sous sa tente durant des semaines au terme desquelles, réflexion faite et sous la pression de ses amis, surmontant ses rancœurs, il confia ses armes à Patrocle qui fut tué et les reprit lui-même contre Hector pour venger son ami, permettant ainsi aux Grecs de retrouver leur suprématie sous les murs de la cité troyenne.


De même en était-il de la méditation, dans l’Ancien Testament, de Jonas, prophète reconnu par les trois religions monothéistes : le judaïsme, l’islamisme et le christianisme. Jonas refusant de sortir de son confort et désobéissant à la volonté de Dieu qui lui commandait d’aller porter une parole menaçante à Ninive, capitale de Assyriens en proie à tous les désordres moraux, prit le bateau en sens inverse vers Jaffa pour s’enfuir. Dieu courroucé provoqua une violente tempête. Jonas dut se jeter à la mer pour éviter le naufrage de tout l’équipage. La tempête cessa immédiatement. Jonas fut avalé par un gros poisson (baleine?) et confiné dans son ventre par volonté divine trois jours et trois nuits. Puis il fut dégurgité sur la grève et, après réflexion, surmontant ses réticences et retrouvant le sens de sa mission, il alla à Ninive où il sauva les habitants de la foudre divine.

Une histoire édifiante dont il ne serait d’ailleurs pas fortuit de voir en elle les prémices de ce que sera plus tard le récit de la Passion dans le Nouveau Testament, du chemin de croix ( le mot passion portant en lui-même le concept de souffrance) à la résurrection du christ après 3 jours et 3 nuits de confinement dans le tombeau, pour générer, comme il y est dit aux croyants, après le désespoir de l’abandon par le père, la naissance à un monde nouveau. Le seul reproche que l’on pourrait faire à Jésus, comme l’a écrit ces jours-ci un éditorialiste que j’aime bien, est de ne pas nous en avoir laissé la recette.

Indépendamment de toute conviction religieuse que je ne voudrais pas froisser en qualifiant ces récits de légendes, ils constituent des textes fondateurs qui ont ceci de particulier qu’ils figurent des situations à portée universelle se reproduisant sous des formes diverses au cours des époques et symbolisant des constantes du comportement humain.

On rencontre encore cette allégorie du confinement régénérateur de façon plus légère dans le Pinocchio de Carlo Collodi, récit picaresque où l’ancien pantin désobéissant dont le nez s’allonge sous l’effet de ses mensonges (on peut là aussi regretter que le recette se soit perdue) se transforme en jeune garçon modèle sauvant son père Geppetto à l’issue de leur séjour dans l’estomac du requin qui n’en avait fait qu’une bouchée.

[Par ouvrir une parenthèse, c’est pourquoi, à Onet, le nom du théâtre La Baleine n’a pas été choisi uniquement pour l’aspect architectural des piliers d’entrée en forme de fanons, pas plus que le nom de  Krill , la nourriture de La Baleine, pour le hall d’accueil, mais pour souligner l’apport essentiel que peut avoir la culture dans le processus de transformation sociale dont les événement actuels marquent la nécessité dans la mesure où chaque spectateur peut y trouver matière à réflexion et renouvellement.]

Ce mythe de Jonas est abondamment présent dans toute la littérature. Il est par exemple suggéré dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel Tournier lorsque Robinson sur son île déserte découvre un étroit goulet argileux et s’y blottit tout nu des jours entiers tel un fœtus l’abri du placenta, puis en ressort ressourcé afin d’affronter sa nouvelle vie solitaire avant l’arrivée de son nouveau compagnon, Vendredi : une volonté de résilience de l’esprit et du corps.



C’est bien évidemment ce mythe du nouveau Jonas que nous retrouvons chez Albert Camus dans une nouvelle de L’Exil et Royaume intitulée Jonas ou l’artiste au travail précédée en incipit d‘une citation du Livre de Jonas :  « Jetez moi dans la mer..car je sais que c’est moi qui attire sur vous cette grande tempête »(Jonas, 1,12).

Gilbert Jonas de Camus est un peintre à succès. Il est né, croit-il lui aussi, sous une bonne étoile. Il en jouit de façon solitaire, sans se préoccuper du monde environnant : ses parents l’ont élevé à l’abri de tout souci, sa femme aimante ne vit que pour lui. Son ami d’enfance, l’architecte Rateau, parvenu lui à force de travail, est tout à son admiration et à sa dévotion, une cohorte de flatteurs emplit crescendo son existence, son atelier et son appartement, sans qu’il ne se pose de questions.

« Gilbert JONAS, artiste peintre, croyait en son étoile. Il ne croyait d’ailleurs qu‘en elle bien qu’il se sentît du respect, et en même temps une sorte d’admiration, devant la religion des autres. Sa propre foi n’était pas sans vertus, puisque elle consistait à admettre de façon obscure, qu’il obtiendrait beaucoup sans jamais rien mériter…»

Il accéda donc, sans avoir fait d’effort particulier, à une notoriété qui lui permit de vivre aisément de de ses tableaux, touchant pour cela un salaire certes pas très élevé mais suffisamment confortable de la part de son galeriste.

A la façon dont Pangloss l’affirmait à Candide, « tout (allait) pour le mieux dans le meilleur des mondes possible » jusqu’au jour où, après de nombreux signes inquiétants de désaffection de ses acheteurs, puis petit à petit de son public et de la plupart de ses faux amis, l’inspiration le déserta bien qu’il conservât sa foi profonde en son étoile pourtant pâlissante sous l’effet de l‘étouffement progressif dont il était victime sans vraiment s’en rendre compte :

« Jonas travaillait moins…Il avait maintenant de la difficulté à peindre…Il passait ses moments de solitude à regarder le ciel…Il devint rêveur…IL avait une grande œuvre vraiment nouvelle à faire… tout allait recommencer… Il sentit que son étoile était là…Il suffisait d’une bonne organisation. »

Hélas, les bras immobiles le long du corps, ne conservant que l’affection de sa femme et de Rateau, après avoir tenté de se réfugier dans l’anonymat de quartiers éloignés, puis dans l’alcool et enfin dans des rencontres féminines sans lendemain, insatisfait de ces dérivatifs, il construisit dans son appartement une soupente et s’y isola de plus en plus souvent, demeurant dans le déni de sa perte d’inspiration, attendant que son étoile veuille bien luire à nouveau et réfléchissant dans l’obscurité. Quand Rateau s’enquérait de ses nouvelles : «  -Ça va ? -Le mieux du monde. -Tu travailles ? – C’est tout comme. -Mais tu n’as pas de toile ! Je travaille quand même» répondait-il.

De plus en plus reclus dans son ermitage « un soir il appela Rateau et lui demanda une toile puis : «  Comment sont-ils ? -Qui ? – Louise et les enfants. – Ils vont bien. Ils iraient mieux si tu étais avec eux. – Je ne les quitte pas. Dis leur surtout que je ne les quitte pas » …. La lampe resta allumée toute la nuit et toute la matinée du lendemain…. Épuisé, il attendait, assis, les mains sur les genoux. Il se disait que maintenant il ne travaillerait plus jamais. Il était heureux. Il entendait les grognements des enfants, des bruits d’eau, les tintements de la vaisselle. Louise parlait. Les grandes vitres vibraient au passage d’un camion sur le boulevard. Le monde était encore là, jeune, adorable : Jonas écoutait la belle rumeur que font les hommes…Il tomba sans bruit : – Ce n’est rien, déclarait un peu plus tard le médecin qu’on avait appelé, il guérira. Dans une semaine il sera debout – »  

La toile était appuyée contre le mur. « Rateau la regardait «entièrement blanche, au centre de laquelle Jonas avait seulement écrit, en très petits caractères, un mot qu’on pouvait à peine déchiffrer, mais dont on ne savait s’il fallait y lire solitaire ou solidaire.»

De la réaction première de déni face à l’événement perturbateur puis à la crise qui s’ensuit tous ces personnages emblématiques triomphant de l’absurde de la situation y puisent la faculté d’un retour à un équilibre nécessairement différent de l’état premier. Dans la nouvelle suivante, La Pierre Qui Pousse, celui qui est d’abord désigné sous le patronyme « L’Homme » incarne le personnage mythique de Sisyphe triomphant lui aussi de l’absurde : « Il saluait joyeusement sa propre force, il saluait, une fois de plus, la vie qui recommençait…Le frère s’écarta, sans le regarder lui montra la place vide : – Assieds-toi avec nous.»

Pour finir donnons la parole dans l’Homme Révolté à Camus lui-même :
Au « nous sommes seuls » de la révolte métaphysique, la révolte aux prises avec l’histoire ajoute qu’au lieu de tuer et mourir pour produire l’être que nous ne sommes pas, nous avons à vivre et faire vivre pour créer ce que nous sommes. 
et à son message profondément humaniste.

Antonin ARTAUD: Le théâtre et la Peste

Conférence d’Antonin Artaud le 6 avril 1933                                      à La sorbonne


« Une nuit de fin avril 1720, vingt jours avant l’arrivée du vaisseau Le Grand St Antoine dont le débarquement coïncida avec la plus merveilleuse explosion de peste qui ait fait bourgeonner les mémoires de la cité, SAINT-REMYS, vice-roi de Sardaigne, eut un rêve particulièrement affligeant : il se vit pesteux et il vit la peste ravager son minuscule état…

Sous l’action du fléau, les cadres de la société se liquéfient. L’ordre tombe. Il assiste à toutes les déroutes de la morale, à toutes les débâcles de la psychologie. Il entend en lui le murmure de ses humeurs, déchirées, en pleine défaite…..

Il se réveille… un navire passe, le Grand St Antoine, et propose de débarquer… C’est alors qu’il lui donne l’ordre d’avoir à virer de bord et de faire force de voile hors de la ville sous peine d’être coulé à coups de canons. La guerre contre la peste. L’autocrate n’ allait pas par quatre chemins.


La force de ce rêve lui permit, malgré les sarcasmes de la foule et le scepticisme de son entourage, de persévérer dans la férocité de ses ordres, passant pour cela non seulement sur le droit des gens, mais sur le simple respect de la vie humaine et sur toutes sortes de conventions nationales ou internationales, qui, devant la mort, ne sont plus de saison…

Le navire continua sa route, aborda à Livourne et pénétra dans la rade de Marseille…Le Grand St Antoine n’y apporta pas la peste. Elle était là. Et dans une période de particulière recrudescence… Dans certains cas, les poumons et le cerveau noircissent et se gangrènent….les deux seuls organes réellement atteints se trouvent être tous les deux sous la dépendance de la conscience et de la volonté…

Si le théâtre est comme la peste, ce n’est pas seulement parce qu’il agit sur d’importantes collectivités et qu’il les bouleverse dans un sens identique. Il y a dans le théâtre comme dans la peste quelque chose à la fois de victorieux et de vengeur. Cet incendie spontané que la peste allume où elle passe, on sent très bien qu’il n’est pas autre chose qu’une immense liquidation…

Un désastre social si complet, un tel désordre organique, une sorte d’exorcisme total qui presse l’âme et la pousse à bout…indiquent un état où se retrouvent à vif toutes les puissances de la nature au moment où celle-ci va accomplir quelque chose d’essentiel.

La peste prend des images qui dorment, un désordre latent et les pousse tout à coup jusque aux gestes les plus extrêmes…et le théâtre lui aussi prend des gestes et les pousse à bout : il refait la chaîne entre ce qui est et ce qui n’est pas, entre la virtualité du possible et ce qui existe dans la nature matérialisée …

L’action du théâtre, comme celle de la peste, pousse les hommes à se voir tels qu’ils sont. Elle fait tomber les masques (sic), elle découvre le mensonge, la veulerie, la tartuferie…et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les invite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu’elles n’auraient jamais eue sans cela.

Et la question qui se pose maintenant est de savoir si dans ce monde qui glisse, qui se suicide sans s’en apercevoir, il se trouvera un noyau d’hommes capables d’imposer cette notion supérieure du théâtre qui nous rendra à tous l’équivalent naturel et magique des dogmes auxquels nous ne croyons plus. »

En ces temps de confinement, la lecture de Camus et/ou de Giono font florès.

On ne saurait cependant oublier Antonin Artaud dont la réflexion toujours très actuelle fait  apparaître sous un un jour souvent méconnu à la fois l’écrivain et l’acteur-metteur en scène dont les extraits – prémonitoires- que je me fais un plaisir de vous livrer vous convieront je l’espère à (re)lire dans le «  Théâtre et son Double « . [ŒUVRES – Quarto -Gallimard- pp 510 sqq] ce qu’il désignera ultérieurement sous le vocable « théâtre de la Cruauté ». 

Recettes pour Remédier à la Pénurie…

Comment résister en ce 1° avril à un peu de bonne humeur dans ce monde « coronarisé » en proie à tous les doutes? Non, ce que vous allez peut-être lire n’est pas un poisson d’avril, ce n’est pas non plus une Fake, puisque Le Canard lui-même nous informe avec humour ce matin que le  1° avril 2020, pour cause de corona, est reporté au 1° avril 2021.

C ‘est un vieil écrit  de 500 ans à réactualiser. En effet, Le rayons P.Q. des grandes surfaces ayant été ravagé, la littérature peut venir au secours de tous ceux qui sont dans le besoin.

Ainsi, dès 1534, Alcofribas Nasier –anagramme de François Rabelais, moine et médecin de son état, philosophe de surcroît-  de son rire énorme nous livrait par la bouche de Gargantua quelques recettes qui pourraient nous permettre de faire face 

à ce genre de pénurie en un dialogue père-fils un peu cru certes mais fort distrayant entre deux personnages hors normes, le bon géant Grandgouzier et son jeune fils Gargantua (Chapitre XIII du livre éponyme).

Je vous laisse le plaisir de vous délecter de ces  quelques extraits, certes un peu crus, retranscrits en conservant le plus possible l’ancien français beaucoup moins affadi que notre langue technocratique actuelle, à faire rêver même les actuels « rapeurs » qui font pâle figure face au Maître. Laissons lui la parole:

 

Gargantua Chap.XIII Livre de Poche 1589 4°trim. 1965 
Comment Grandgousier cogneut l’esperit merveilleux de Gargantua à l’invention d’un torchecul
Sus la fin de la quinte année, Grandgouzier, retournant de la défai

cte des Canarriens (les Canaries), visita son filz Gargantua. Là fust resjouy comme tel pere povoit estre voyant un sien tel enfant, et, le baisant et accolant, l’interrogeoyt de petits propos pueriles en diverses sortes….avec ses gouvernantes, esquelles  par grand soing demandoit, entre autres cas, si elles l’avoyent tenu blanc et nect.

A ce Gargantua feist response qu’i y avait donné tel ordre qu’en tout le pays n’estoit guarson plus nect que luy.
-Comment cela? dist Grandgouzier.
-J’ay (respondit Gargantua) par longue et curieuse expérience inventé un moyen de me torcher le cul le plus seigneurial, le plus excellent, le plus expédient que jamais feut veu.
-Quel? dist Granggousier.
-Comme vous le raconteray (dist Gargantua) présentement:
« Je me torchay une fois d’un cachenez de velours de une damoiselle et le trouvay bon car la mollice de sa soye me causoit au fondement une volupté bien grande.
Une aultre foys d’un chaperon d’ycelles et feut de mesme. Une aultre foys d’un cache coul.
Une aultre foys des aureillettes (pendants de broderies qui retombaient du chapron sur le cou et étaient ornés de broderies et de pierres précieuses) de satin cramoysi mais la dorure d’un tas de sphères qui y estoient m’escorchèrent tout le derriere, que le feu de sainct Antoine( le mal des ardents ou ergotisme) arde (brûle) le boyau culier de l’orfebvre qui le feist et de la damoiselle qui les portoit.
Ce mal passa me torchant d’un bonnet de paige bien emplumé à la souice.
Puis, fiantant derrière un buisson trouvai un chat de Mars (tout jeune chaton très vigoureux), d’icelluy me torchay, mais ses gryphes me exulcererent tout le perinee. De ce me guéryz au lendemain me torchant des gands de ma mere, bien parfumez de maujoin(au parfum de sexe féminin).
Puis me torchay de saulge, de fenoil, de aneth, de marjolaine…de orties de consolde mais j’en eu la cacquesangue de Lombard (la dyssenterie)….. »
-Voyre, mais (dist Gandgouzier) lequel torchecul trouvas tu meilleur?
-Je me torchay après (dist Gargantua) d’un couvre chief, d’un aureiller, d’une pantofle…..Et notez que les chappeaulx les uns sont ras, les aultres à poil, les aultres veloutez, les aultres satinizez. Le meilleur de tous est celluy de poil, car il fait tres bonne abstersion de la matière fécale.
Puis me torchay d’une poulle, d’un coq….mais concluent je dys et maintiens qu’il n’y a tel torchecul que d’un oyzon bien dumeté (duveté), pourveu q’on luy tienne la teste entre les jambes car vous sentez une volupté mirificque tant par la doulceur d’icelluy dumet que par la chaleur tempérée de l’oyzon laquelle facilement est communicquée au boyau culier jusques à venir  à la region du cueur et du cerveau »…   

Merci François pour ces recettes à diffuser sans retenue si elles ne sont pas trop choquantes aux yeux de certaines personnes. A leur rappeler cependant que c’est un moine qui les a écrites, et comme tu l’écrivais en avant-propos:  » Mais par telle legiereté ne convient estimer les oeuvres des humains.Car vous mesmes dictes que l’habit ne faict poinct le moyne ».

 

 

 

 

Le mois Artaud victime du covid

 Aujourd’hui devait avoir lieu le décrochage des deux expositions  de peintres  au talent bien connu organisées par l’Association Antonin Artaud dans le cadre du mois de commémoration annuelle de la disparition du poète le 4 mars 1948.

Deux excellentes expositions largement contrariées par le confinement interdisant de se rendre au premier étage de la mairie de Rodez pour celle consacrée à René GABEN  ainsi qu’à l’Espace Antonin Artaud (ex chapelle Paraire de l’asile où vécut trois ans Antonin) pour les œuvres de Michel JULLIARD, de Jean-Luc FAU, de Cyril HATT et de Didier ESTIVAL.

Elles n’ont hélas pas connu le succès qu’elles méritaient.   M’y étant pris trop tard, il m’a même été impossible de faire quelques photos pour vous faire regretter les effets du corona virus qui vous a privé de ces deux visites exceptionnelles. De même ont été annulées le samedi 21 mars la conférence de Patrice TRIGANO « Artaud Passion -La canne de St Patrick » et la pièce de théâtre du même auteur le 22 mars à Rieupeyroux avec William Mesguich et Nathalie Lucas. Nous espérons que ce n’est que partie remise, peut-être l’an prochain.

J’ai donc dû « emprunter » au « Petit Journal » (qui j’espère me le pardonnera) cette page pour vous donner une idée de la première expo citée: « Une peinture en temps de détresse ».

 J’aime particulièrement les deux tableaux du bas (non pour les portraits de vos deux serviteurs Mireille et moi-même…je vous entends déjà!….), mais pour les reprises, sur fond de calculs scientifiques, de lignes géométriques  et d’organisation de couleurs qui ne vont pas sans rappeler Mondrian, d’une part une référence au GRECO (Cardinal Fernando Nino de Guevara -1598 – cathédrale deTolède) d’une ironie féroce (portrait du bas à gauche) et d’autre part à la Dame de St Cernin (portrait du bas à droite) des ponts entre le néolithique, la Renaissance  -début de l’âge d’Or espagnol- et l’informatique , le monde actuel.

Pas de clichés, hélas, de la seconde expo « Folies d’Artistes », mais des œuvres géantes que le lieu permettait et qu’il eût été bien difficile de photographier.

10m X 1,50 m telle était la bande dessinée  de Michel JUILLARD que chacun connaît bien, art brut, sans contraintes sauf celles qu’il se fixe lui-même et qui demande des longs moments d’attention et de plaisir à la parcourir.

La rivière de Jean Luc FAU qui ruisselle de l’oculus jusqu’au sol et tente d’y remonter sous forme de bulles comme l’expliquait Mireille lors du vernissage.

Au centre de la chapelle , les Mariés de Cyril HATT dont « la première expo a eu lieu il y a une dizaine d’années à la maison de couture Lanvin: un couple tout cabossé tentant  de se tenir debout dans une auto tout aussi cabossée » (Mireille) marque de fabrique de Cyril, artiste lui aussi reconnu.

Enfin Didier ESTIVAL occupant tout un mur de la chapelle dans une fresque aux réminiscences, dans la forme et la composition, de « L’Enfer » du « Jardin des Délices » de Jérôme BOSCH(peintre flamand vers 1 500 – Le Prado)

Des artistes aux inspirations multiples, au talent reconnu et aux affinités aveyronnaises, que nous espérons revoir très bientôt dès que les conditions le permettront. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Peste, le Choléra et le Corona

Non,ce n’est pas une réminiscence du 2°tour des présidentielles de 1969 entre Pompidou et Poher mais, pour les plus de cinquante ans qui s’en souviennent encore, du slogan quant au non-choix possible entre la peste et le choléra rendu célèbre par Jacques Duclos. Il s’agit bien de littérature permettant d’éclairer l’actualité. 

« Le docteur regardait toujours par la fenêtre. D’un côté de la vitre la douceur du printemps, et de l’autre côté le mot qui résonnait encore dans la pièce: la peste….Le docteur s’impatientait. Il se laissait aller et il ne le fallait pas. Quelques cas ne font pas une épidémie et il suffit de prendre des précautions. Il fallait s’en tenir à ce qu’on savait, la stupeur et la prostration, les yeux rouges la bouche sale, les maux de tête, les bubons, la soif terrible, le délire…et au bout de tout cela….oui au bout de tout cela, on était pendu à un fil…Le mot ne contenait pas seulement ce que la science voulait bien y mettre…mais une longue suite d’images extraordinaires…Non, tout cela n’était pas encore assez fort pour tuer la paix de cette journée. » Albert CAMUS – La Peste- (1947)

Le roman de Camus décrit de la ville d’Oran totalement isolée par  la peste  et se penche sur les attitudes diverses de sa population face à  cette situation de détresse: une allégorie renvoyant aux divers comportements lors de l’Occupation.

 

 

« Angelo pressa son cheval dans l’idée qu’il trouverait peut-être là un pays moins dévasté…. Il s’approchait de la grande vallée quand il vit devant lui la route barrée par des tonneaux avec lesquels on avait fait une sorte de  barricade. On lui cria de s’arrêter. « Halte je te dis lui cria une sentinelle et ne bouge plus sinon je t’envoie du plomb dans les côtes. As-tu une billette? ». Comme Angelo ne comprenait pas, l’homme lui expliqua que c’était une sorte de passeport  que le maire du village devait lui donner et sans lequel on ne le laisserait pas passer. « Et pourquoi? lui dit Angelo -C’est pour certifier que tu n’es pas malade et que tu n’apportes pas le choléra dans tes poches ». Bougre, se dit Angelo, ce n’est pas le moment de dire la vérité: « Je l’apporte si peu…que j’étais dans la montagne et que je ne suis pas retourné au village, c’est pourquoi je n’ai pas de billette ». Jean Giono – Le Hussard sur le Toit – (1953)

Jean GIONO-Le Hussard sur le Toit- 1953

Peu d’années après Camus, Giono, sur le même thème, narre une épidémie de choléra touchant la Provence sous le règne de Louis Philippe. Sous forme d’aventure captivante l’auteur relate une catastrophe qui s’abat sur les gens et les réactions humaines qu’elle déchaîne.

Deux grands romans  à relire avec plaisir et surtout à méditer.

IRONIE DE L’HISTOIRE

Lorsqu’on demandait à PHIDIAS quels hommes lui avaient servi de modèle pour réaliser la statue cryséléphantine  (or et ivoire) de ZEUS (fils de Cronos) à OLYMPIE,  l’une des sept merveilles du monde (13 m de haut) aujourd’hui disparue, il répondait: « Le Cronide dont la tête nous fait signe du haut des horizons bleus »

Si l’on demandait actuellement à notre JUPITER, quels hommes lui ont servi de modèle pour procéder à l’abolition de la taxe sur les GAFA qu’il avait lui-même instaurée, il répondrait  :  » Le Donald dont la tête m’a fait signe du haut du sommet de Davos », avec bien sûr l’accord de Le MAIRE en préparation des municipales.

Hélas! Chacun s’appuie sur la mythologie de son époque et si, d’après KARL, l’histoire ne se répète pas, elle prend tout de même quelque peu l’allure d’une farce.

Moralité : Gaffe aux GAFA(M)